Lac des Cygnes ( Лебединое озеро )

(Série de 16 photographies)
Le choix délibéré d’arracher à l’histoire, le cygne noir, force perturbatrice qui vient s’interposer dans le bel ordonnancement de ce que nous cherchons toujours en vain à contrôler, ici, il est question d’apporter au thème principal du Lac Des Cygnes, une vision presque enfantine, légère et naïve : celui de l’Amour Fidèle, que l’on retrouve dans toutes les mythologies.
De la Grèce ancienne ─ avec l’histoire de Zeus et Leda ─ à la Sibérie, en passant par l’Asie Mineure, l’Extrême-Orient, en Iran et en Turquie, ou encore chez les peuples slaves et germaniques, le mythe du cygne est légendaire. Le folklore scandinave, les œuvres celtiques, les récits et les contes, tout comme la poésie, le célèbrent.
Élément de l’amour et de l’union chez Novalis, le cygne devient ce mythe étrange et fatal chez Baudelaire. Dans le poème, il devient mouvement de l’âme, souvenir d’un bonheur perdu. Allégorie de l’apparence illusoire et désordonnée, passé transfigurant le présent et l’imagination, monde visible, symbole du monde invisible─ chez le poète ─ le cygne est à la fois tout cela.

Extraire de cette thématique, le cygne noir, symbole qui fait toute la force du film Black Swan, n’élimine pas pour autant l’idée qu’une force incontrôlée de la nature tente à tout instant à faire irruption dans nos projets humains. Vouloir absolument maitriser les phénomènes, signifie s’élancer après une chimère, vers un projet utopique et funeste.

Qu’en est-il de la liberté humaine, quand l’heure du choix a sonné ? La frontière entre la maitrise de son destin et l’acceptation des événements, qui parfois échappent à notre contrôle, serait elle si frêle, que nous serions sans relâche agités par ces troublantes forces antagonistes ?

Intégrer en soi ces puissances contraires et perturbatrices, c’est accueillir le mouvement continu et insaisissable qu’est la vie, de consentir à notre exil intérieur, c’est aussi faire le choix d’une brutale pulvérisation de son être face à la beauté.
Ce majestueux cygne blanc, apparaissant pour la première fois au jeune prince Siegfried ébloui par tant d’éclat, ne serait-il pas la métaphore de la naissance de la femme à l’amour véritable ?

© Isabelle SOUVET-ECHARD & Lou D’ESTERNY - 2016